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Les « business schools » en fusion

|24/01 | Jean-Claude Lewandowski| Les Echos|

lundi 13 février 2012, par Mathilde Brugier

Vers une recomposition du paysage de l’enseignement supérieur de gestion.

Fusions, regroupements, alliances stratégiques, annonces en rafales... C’est une vaste redistribution des cartes qui est en cours dans le petit cercle des « business schools » de l’Hexagone. Un mouvement qui devrait, à terme, changer radicalement le paysage - et bousculer la hiérarchie.

En dévoilant, la semaine dernière, leur décision de fusionner au 1 er janvier 2013, Euromed Management, à Marseille, et sa consoeur bordelaise BEM ont frappé fort. Car il s’agit de deux écoles aux effectifs et aux moyens importants, toutes deux bénéficiant d’accréditations internationales de référence (Equis et AACSB). Ensemble, elles alignent plus de 8.000 étudiants, 160 professeurs permanents et 83 millions d’euros de budget. « Notre ambition est de figurer dans les 15 meilleures écoles en Europe », indique Bernard Belletante, directeur général d’Euromed. L’initiative en a surpris plus d’un. D’autant qu’un rapprochement avait déjà été étudié avec Toulouse Business School.

Or ce mariage est loin d’être un cas isolé. En réalité, les grandes manoeuvres ont débuté il y a trois ans, avec la fusion du Ceram à Sophia-Antipolis et de l’ESC Lille, sous le nom de « Skema ». « Cela a enclenché une dynamique positive, constate Régis Brandinelli, directeur général adjoint de la nouvelle entité. Nous signons des partenariats de plus haut niveau, nous recrutons plus facilement des professeurs internationaux. » De son côté, l’EM Strasbourg est née en 2007 de l’union de l’IECS avec l’IAE de la ville, de statut universitaire. La réussite de ces deux opérations, à l’évidence, a donné des idées à d’autres écoles.

Alliance franco-britannique

En même temps qu’Euromed et BEM, un second projet d’envergure vise à regrouper, à l’horizon 2013, six institutions : l’Escem et les ESC Amiens, Brest, Clermont, Pau et Troyes (liste non close). Baptisé provisoirement « France Business School », il totaliserait 10.000 élèves, 200 professeurs et un budget de l’ordre de 100 millions d’euros. « N ous ne cherchons pas à rivaliser avec HEC, mais à construire une école fortement ancrée sur ses territoires et très tournée vers les PME, souligne François Duvergé, président de l’Escem et cheville ouvrière de l’opération. Nous miserons en priorité sur la recherche à finalité professionnelle et sur le développement des compétences personnelles - les fameux "soft skills" -des futurs managers. »

D’autres rapprochements se profilent à l’horizon. Reims Management School et Rouen Business School, qui ont déjà réuni leurs activités d’« executive education » et disposent de locaux communs à Paris, ne cachent pas leur projet de fusionner à terme - « mais tout en gardant nos campus d’origine et nos programmes », précise Arnaud Langlois-Meurinne, directeur général de Rouen BS. Les deux écoles viennent d’officialiser leurs fiançailles.

De son côté, l’EM Normandie planche sur un regroupement avec l’IAE de Caen. Quant à l’ESC Dijon-Bourgogne, elle a opté pour une alliance étroite avec une institution anglaise, Oxford Brookes, avec laquelle elle coopère sur des domaines d’excellence comme le management du vin et l’« oeno-tourisme ». « Nous voulons nous rapprocher le plus possible pour bâtir une école franco-britannique, avec chacune son marché national », indique Stéphan Bourcieu, qui dirige l’ESC Dijon. Les deux écoles ont déjà lancé des programmes en commun, comme un « master of arts food, wine and culture », et un « bachelor ». Elles envisagent de présenter ensemble leur candidature aux accréditations ePass, voire Equis.

Course à la taille critique

Une étude de la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion) évaluait les raisons de cette vague de concentrations. Elles sont d’abord d’ordre financier. « Nos écoles font face à des dépenses croissantes, notamment pour le corps professoral et les services aux étudiants, à un moment où les finances publiques sont à la diète, où les CCI se désengagent et où les ressources de la taxe d’apprentissage se réduisent, observe François Duvergé. Or nous ne pouvons guère augmenter nos frais de scolarité, qui sont déjà très élevés. Nous devons adapter notre "business model". » Le constat vaut surtout pour les petites écoles, qui redoutent d’être marginalisées. D’où l’idée de regrouper leurs forces et de mettre en commun des activités (services centraux, communication...), afin de générer des économies, tout en gagnant en visibilité.

Mais des motifs d’ordre stratégique jouent aussi. Confrontées à une concurrence de plus en plus internationale, les écoles sont amenées à repenser leur mission. Et à choisir entre une vocation locale et une présence forte sur le marché global. « Si l’on veut, dans dix ans, disposer en province d’écoles de niveau international, il faut s’en donner les moyens, souligne Bernard Belletante. Car cela implique d’importants efforts en matière d’innovation pédagogique, de recherche, de qualité de service... Il nous faut donc atteindre une certaine taille pour amortir ces dépenses et être visibles à l’international. »

Pour Jean-Guy Bernard, directeur général de l’EM Normandie, « on assiste aujourd’hui à une véritable course à l’armement et à la taille. Développer la recherche, renforcer le corps professoral, tout cela pousse aux regroupements ».

Mais cette stratégie est délicate à mettre en oeuvre. Comme dans le monde de l’entreprise, une fusion n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Enseignants ou élèves ont parfois fait capoter des projets pourtant bien avancés.

Le résultat, en tout cas, est double. D’une part, le nombre d’écoles diminue. Leur réseau hexagonal, fort jusqu’à présent d’une quarantaine d’institutions, ne devrait plus en compter, à terme, qu’une trentaine - voire moins.

Mais, surtout, c’est le modèle même des écoles qui se transforme. Jusqu’à présent, en gros, chaque grande ville se devait d’avoir sa « business school ». Aujourd’hui, on passe à une logique multisite : avec de grands ensembles présents sur plusieurs villes de l’Hexagone - et aussi à l’étranger. C’est déjà le cas pour Skema, (campus à Suzhou en Chine, Raleigh aux Etats-Unis). Idem pour l’Edhec, implantée à Lille, Nice et Paris, avec aussi des locaux à Londres et Singapour. De même, le tandem BEM-Euromed possède déjà des campus en Chine, au Sénégal et au Maroc, et envisage de prendre pied aux Etats-Unis.

Reste à savoir si ces grandes manoeuvres permettront aux écoles de l’Hexagone de conforter leur domination actuelle en Europe. C’est l’un des enjeux des fusions actuelles. Même si elles n’offrent pas une garantie de succès, la prise de risque et l’initiative restent sans doute la meilleure des stratégies. Les écoles de management, à l’évidence, ont assimilé la leçon.


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